jeudi 19 septembre 2013

Un pays de contradictions économiques

Des Argentins très politisés, très concernés par l'économie et passionnés de débats.
Houla, voilà un post bien sérieux pour un mercredi soir. Mais ça fait plusieurs jours que j'y pense. Ca m'est venu en discutant avant mes deux "potes de conversation" argentins. En arrivant à Buenos Aires, franchement, la première impression, c'est qu'on est dans n'importe quelle grande capitale, plutôt côté Amérique du Nord, avec un petit côté européen désuet, rapport aux nombreux buildings construits façon Haussmann. Buenos Aires est même plus moderne que Paris a bien des égards. Ici on se connecte au wifi gratuitement n'importe où, les voitures sont flambant neuves (et pas amochées par les accrochages et autres incidents de parkings successifs dont sont victimes les véhicules parisiens...) et les filles habillées à la dernière mode (automne-hiver, saisons inversées obligent). Les garçons sont développeurs ou architectes, ils parlent 4 ou 5 langues et ont voyagé de par le monde. Oui, l'Argentine vit comme n'importe quel autre pays développé. Et point d'ailleurs au 45e rang mondial en termes d'indice de développement humain (IDH) pour autant que ça veuille dire quelque chose.

Et pourtant, ce n'est que la face visible de la médaille. Grattez un peu et la vérité est tout autre. "Oui, nous avons l'air de vivre comme vous, sauf que le système est beaucoup plus fragile que le vôtre" m'explique un Argentin. Ici, le système peut s'effondrer d'un jour à l'autre, c'est d'ailleurs ce qui se passe à peu près tous les dix ans. Dernière crise en date : 2001. La parité peso/dollar est brisée, en quelques jours le système s'effondre, la moitié de la population se retrouve sous le seuil de  pauvreté. Et puis le système se remet en route, mais selon les mêmes rouages qu'avant la crise. "Ils refont les mêmes erreurs, qui conduisent fatalement aux mêmes conséquences."

En ce moment, c'est l'inflation qui régit la vie de tous les Argentins. +30% en un an. Les salaires suivent-ils? "Ils augmentent, mais pas autant, bien sûr" m'explique un autre interlocuteur. Et pendant ce temps-là, que fait le gouvernement? Il ferme ses yeux et ses oreilles. Les chiffres officiels ne reflètent en rien la réalité sur le terrain. Tous les Argentins que j'ai rencontrés le disent et je le vérifie moi-même chaque jour. Entre les prix annoncés par mon guide de 2013 (écrit en 2012, donc) et les prix réels, il y a souvent une différence du simple au double.

Pour retarder l'effondrement du système, l'état fait donc travailler la planche à billets. Et restreint l'accès aux autres monnaies, ce qui conduit à des pratiques surprenantes. L'autre jour, je voulais changer des dollars. Le taux de change officiel est assez bas, moins de 7 pesos pour 1 USD dans les boutiques officielles. En revanche, au restaurant, si je paie en dollars, tout de suite l'addition diminue. Même chose à mon hostel où je réussi à changer 150 dollars à raison de plus de 8 pesos le dollar. Une valeur sûre, à laquelle les Argentins n'ont pas officiellement accès. Il faut donc ruser pour passer outre ces interdits.

Ce qui me rassure dans tout ça? C'est que les Argentins ne sont pas dupes, tous ceux avec qui j'ai parlé de politique et d'économies m'ont dit la même chose. Ils sont sur une pente glissante, ils le savent, n'y peuvent pas grand-chose et ont donc décidé d'en profiter et de vivre bien, temps qu'ils en ont les moyens. Ils trouveront bien une façon de se relever, comme à chaque fois. Et s'ils avaient raison?

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