jeudi 5 octobre 2017

"Pole pole" sur les chemins du Mont Meru



Youhouu ! Cette année, c’est la Tanzanie ! Voilà bien un nom qui fait rêver, n’est-ce pas ? Tout comme « Kilimanjaro », non ? C’est pour ça que jusqu’à trois semaines avant le départ, j’avais la ferme intention de partir à l’assaut de la plus haute montagne africaine et de ses cimes enneigées. Mais ça, c’était avant que je lise plusieurs articles sur les nombreux touristes qui, chaque année, meurent avant d’être redescendus, et sur tous ceux qui n’atteignent jamais le sommet. Impossible d’avoir des chiffres précis mais ils seraient entre 40% et 50%. Bref, j’ai décidé de faire un truc sur des sentiers moins battus : partir à l’assaut du Mont Meru.
3e sommet d’Afrique, à 2 heures de route du Kilimanjaro, il est, d’après le Lonely Planet, injustement ignoré des touristes alors que la promenade est beaucoup plus belle que celle du Kili. Beaucoup plus dur aussi, mais ça je ne l’ai su qu’après avoir réservé !
Bref. Jour 1 en Tanzanie. Arrivée la veille au soir et prise en charge par Gordon de Tanzania on Foot, je n’ai encore rien vu d’Arusha, la ville au pied du mont Meru… A 9h30 (presque) tapantes, Gordon est là comme promis. Bon, évidemment, il avait oublié de préciser qu’ensuite il irait chercher ma lunch box quelque part, puis prendre au passage un porteur, puis un guide, puis mettre de l’argent sur la carte bancaire… De quoi avoir déjà un bon aperçu de la ville ! S’ensuit une (très) longue attente à l’entrée du parc, puis une autre au point de départ de la randonnée. C’est qu’un ranger doit absolument nous accompagner (parc national = animaux sauvages en liberté = possibilité (à mon avis minime mais bon…) de se faire embrocher par un buffalo), et il en manque un, il faut donc attendre. « Hakouna Matata », me dit gentiment une Allemande qui poireaute elle aussi. Elle est en Tanzanie depuis trois semaines et, apparemment, c’est le motto qu’il  faut intégrer pour vivre heureux. Je vais donc tenter.
Et au loin, le Kilimanjaro
C’est donc parti pour 3 bonnes heures de grimpette, « pole pole, slowly slowly ». D’ici à la tombée de la nuit, vers 18h30, nous devons avoir rallié le premier camp, 1000 mètres plus haut. Rien de bien compliqué, ça grimpe mais c’est largement faisable. Paysages de montagnes magnifiques, babouins et antilopes qui nous saluent presque au passage… C’est beau et on en redemande !
L’arrivé au camp se fait donc dans la bonne humeur et la détente. Distribution des chambres (de petits dortoirs de 4 personnes, très bien tenus) et c’est déjà l’heure du thé réconfortant, suivi d’un dîner copieux et bon, ce qui ne manque pas de susciter l’admiration : les cuisinier nous préparent midi et soir de vrais plats, avec pour tout matériel un petit réchaud et quelques ustensiles.
Jour 2. Depuis la veille, on nous répète que cette fois, ça va être « very steep », très pentu quoi, et donc pas facilement. Encore 1000 mètres de dénivelée à avaler ce matin, avant de partir à l’assaut du « Little Meru », l’après-midi. Bon, c’est vrai que ça grimpe mais franchement, ça se fait. Contente quand même d’arriver à Saddle Hut, notre 2e camp, celui d’où l’on partira demain matin pour l’ascension du sommet, la vraie. Pour l’instant, aucun symptôme de mal des montagnes, ce mal qui se déclare en altitude, à cause du manque d’oxygène. Même la grimpette du Little Meru, à 2850 mètres, se fait plutôt très bien. La vue est vraiment saisissante. Au loin, le Kilimanjaro, en dessous, la forêt tropicale, et tout autour, des centres volcaniques, des terres brûlées et, caché au cœur du mon Meru, un cratère dans le cratère. Epoustouflant.
Retour au camp à 17h, dîner dans la foulée. C’est tôt ? Pas quand on sait que le réveil sonnera à minuit, pour démarrer l’ascension vers 0h30. Pourquoi de nuit ? C’est une question que je me pose encore !! A part observer le lever du soleil sur le Kilimanjaro ou tester ses facultés d’orientation dans le noir, je ne vois pas trop.
Ca fait rêver non? Bon, compter 6 h de marche pour avoir cette vue, quand même
aBref, il est 1h du matin et c’est parti pour (théoriquement) 6h de marche. Les 350 premiers mètres de dénivelée nous laissent (faussement) croire que ce sera facile. Mais je déchante très vite en apercevant l’étape suivante : des chaînes plantées dans la roche, auxquelles il faut s’accrocher, tout en posan ses pieds sur des pierres qui dépassent avec, en dessous, le vide. Gloups. Je vous ai déjà dit que j’avais le vertige ? Non ? Et si. Et j’aurais bien aimé qu’on me prévienne que ce n’était pas juste une randonnée mais plutôt de l’escalade, sérieusement. Grâce à mon guide, je finis par franchir la paroi, sans avoir aucune idée de l’ampleur du vide sous mes pieds. Il va sans dire qu’aucun de nous n’est sécurisé par un baudrier, sinon ce serait vraiment trop simple.
Je crois que c’est après cette première épreuve que j’ai commencé à ressentir les symptômes. Les jambes qui flageolent, la tête qui tourne un peu. Rien de grave au début, mais le souffle me manque et je suis obligée de ralentir la cadence. Normal à 4000 mètres d’altitude. Mais plus on grimple, plus je me sens défaillir, et mon cœur part en course folle. Il semblerait bien que je sois, pour la première fois, victime de mal des montagnes. Pour l’instant, j’avance encore. Mais quand un des guides nous anonce qu’il ne reste « plus que » trois heures de marche, mes dernières forces se font la malle. Heureusement, mon guide attitré (Roger) et mes copines de galère (deux Américaines et une Allemande rencontrées le premier jour) refusent que j’abandonne et m’encouragent. Pour l’instant, elle sont encore en forme. Laura est prof de ski et alpiniste, elle nous sème donc assez rapidement. Toutes les trois, nous nous serrons les coudes et flanchons à tour de rôle. Assez rapidement, il faut se rendre à l’évidence : nous ne serons pas au sommet pour le lever du soleil. Personnellement, je m’en fiche complètement. Au point où j’en suis, je serais presque prête à abandonner. Je crois que j’ai dû lire trop d’articles sur les personnes mortes du mal des montagnes. J’ai peur d’être trop malade et de ne pas savoir m’arrêter à temps. A force de m’entendre couiner, cette fois même mon guide, qui me disait que tout allait bien, change d’attitude. « OK, peut-être c’est trop dangereux, on va rentrer ». Je ne sais pas si c’est mon orgueil (au point où j’en étais, franchement, mon amour propre était relégué très bas sur la liste de mes priorités) ou la peur de regretter, mais cette petite phrase suffit à me donner un petit coup de fouet. Il reste une heure d’escalade ? Va pour l’heure d’escalade ! Je m’arrêterai tous les deux mètres s’il le faut, mais j’y arriverai. Les derniers mètres de dénivelée sont vraiment périlleux. Il faut se hisser d’un roche à l’autre. Chaque mouvement est une douleur. J’ai du mal à reprendre ma respiration. J’ai froid. Bref, c’est la merde. « You’re strong, you’re a lion ! » me lance Roger pour m’encourager. Apparemment, ça l’impressionne davantage de me voir continuer dans un si piteux état que si j’avais réussi en sifflotant.
7h30. Une heure après le lever du soleil (mais on s’en fout) : ça y est ! Je suis tout en haut ! A moitié morte, mais en haut ! Je baisse les yeux (bin oui, je suis en haut) sur le panorama qui s’offre à moi. 24h après, je ne sais pas si je dirais que ça valait les 6h30 d’ascension périlleuse, mais je reste quand même bouche bée. Quel paysage incroyable, presque surréaliste !
A la descente, je découre l'incroyable paysage que nous avons traversé...
Le froid finit par abréger ma contemplation. Il est temps de redescendre, même si mes jambes sont toujours aussi capricieuse. Une bonne heure plus tard, je sens que les symptômes s’estompent peu à peu. Redescendue à 4000 mètres, je respire enfin presque normalement et la sensation de tournis est partie. Bientôt c’est la délivrance et je cours littéralement sur le chemin du retour, dans un paysage de rêve. Autant j’ai détesté chaque minute de la montée, autant la descente est un vrai plaisir.
A peine arrivée au camp et après les félicitations d’usage, il faut déjà reprendre la route : et oui, c’est qu’il faut redescendre maintenant, jusqu’à Momella gate, où commence le chemin de trekking. 5h de descente, ajoutées aux 10h de la nuit (le tout après une nuit blanche, donc), ça nous fait donc une petite journée à 15h de marche. Bizarrement, je ne tombe même pas de sommeil. L’adrénaline et l’air des montagnes, sans doute.
Mon ressenti à J+1 ? A part les courbatures qui m’empêchent aujourd’hui de me mouvoir normalement, je suis hyyyper contente d’avoir réussi l’ascension mais, surtout, de ces trois jours de marche. Pour un peu, je recommencerais presque demain ! Non, je blague.

Infos pratiques
>> L’ascension du mont Meru se fait généralement en trois jours. Possible également en 4 jours pour ceux qui veulent passer plus de temps dans les montagnes
>> On peut organiser seul son trekking mais il faut de toute façon « louer » un ranger à l’entrée du park. Et si possible un cuisinier et un porteur et acheter des provisions. Cela revient moins cher, mais c’est beaucoup plus compliqué à organiser
>> Je suis passée par l’agence Tanzania on Foot. Le personnel (guide, cuisinier, porteurs) était très bien, mais je ne recommanderais pas l’agence. Pour résumer : assez cher et pas hyper fiable, même si globalement, la prestation a été assurée. Par exemple, contrairement à ce qui était écrit dans la prestation, je n’avais pas de bâtons de marche et je doute que mon guide ait eu une bouteille d’oxygène sur lui comme prévu.
>> Les prix sont très variables d’une agence à l’autre. Moi j’ai payé 850 euros (incluant deux nuits d’hôtel et le transport AR depuis l’aéroport, mais c’était cher, notamment parce que j’étais seule. Ne pas oublier que le tip est obligatoire et très élevé (moi par exemple j’ai dû laisser 100 euros). D’où l’intérêt de partir en groupe quand on peut.
>> Dans les camps, il n’y a pas d’eau courante. Les cuisiniers nous font chauffer de l’eau pour une petite toilette mais comme il n’y a pas non plus d’espace fermé à part les toilettes (sèches, qui puent), ce n’est pas très pratique : prévoyez des lingettes !

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