Voici le témoignage de Dany, mon guide de Viñales. Depuis,
j’ai entendu cette histoire un nombre incalculable de fois. Donc c’est la
sienne, mais c’est aussi celle de milliers de fonctionnaires, y compris
médecins et pharmaciens, qui, faute de moyens, se lancent dans le tourisme.
"Pourquoi je parle français et anglais ? Parce
que j’ai étudié ces langues à l’université pardi ! J’ai étudié 6 ans à
l’université de l’éducation, qui forme les professeurs à Cuba. Et ensuite, je
suis devenu professeur à mon tour. J’aimais beaucoup ça. J’ai surtout enseigné
l’anglais, qui est davantage enseigné ici. Mais le problème, c’est que je
gagnais 20 CUC par mois (ndla : 20 euros). Ici à Cuba, c’est le salaire
des fonctionnaires, et c’est très peu, pas du tout assez pour vivre, on peine
même à survivre.
Alors il y a huit mois, j’ai décidé de me lancer et je suis
devenu guide. Oui je suis de la région, mais je n’avais jamais fait ça avant. Pour
moi, c’était la seule solution pour gagner un peu d’argent. J’aimerais bien, un
jour, avoir ma propre maison. Je ne regrette pas mon choix : non seulement
je gagne déjà beaucoup plus, mais cela me permet de pratiquer aussi le français
et de rencontrer des gens."
Nombreux sont les profs aujourd’hui reconvertis en
professionnels du tourisme. Mais pas que : dans les casas, beaucoup ont
par ailleurs un emploi : architecte, pharmacien ou même médecin… Ces
professions souvent jugées privilégiées en France, et qui exigent de longues
années d’études, sont ici très mal rémunérées. Depuis quelques années, des
milliers d’entre eux laissent donc tomber le métier qu’ils avaient choisi, et
que souvent ils aimaient, pour tenter l’aventure touristique.
Avec plus ou moins de succès : tenir une casa
particular n’est pas très compliqué. Ce qui l’est en revanche, c’est de joindre
les deux bouts : clients ou pas clients, les propriétaires doivent payer
une taxe élevée au gouvernement. La concurrence est si forte dans certaines
villes comme Trinidad ou Viñales que beaucoup de casas ferment au bout de
quelques mois, incapables de payer l’impôt en question.
Donc je résume, juste pour le plaisir : Cuba forme des
élites, mieux et plus que beaucoup de pays. On compte aujourd’hui à Cuba 1
médecin pour 148 habitants, un taux à faire pâlir la France d’envie. Il les
rémunère ensuite si peu que ces élites doivent abandonner leur profession, pour
se lancer dans une entreprise privée précaire, sans aucune garantie pour leurs
vieux jours. Ouais, je crois bien qu’il y a une couille dans le potage révolutionnaire.
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