vendredi 2 octobre 2015

Sumatra, son huile de palme, ses feux

Pour le touriste, Sumatra, c'est l'île écolo par excellence: des parcs naturels immenses, des espèces animales endémiques et beaucoup d'efforts pour développer une agriculture responsable. Du moins, c'est ce qu'on lui montre. Mais ça ne prend pas beaucoup de temps pour trouver le revers de la médaille.
En fait, pour Sumatra, l'environnement se résume à deux problèmes essentiels et liés: les feux et les palmiers à huile. Les feux, c'est presque une tradition : chaque année, les agriculteurs (et peut-être quelques autre acteurs...) font des brûlis pour enrichir les terres. Le problème, c'est que ça prend souvent des proportions énormes et plus ou moins involontaires (apparemment plutôt volontaire, si on en croit le locaux): des hectares de forêt prennent feu et des fumées incontrôlables envahissent le pays, mais aussi les voisins, notamment la Malaisie et Singapour. Résultat: un taux de pollution hors du commun, des avions cloués au sol et un manque à gagner important pour l'économie. Chaque année, le président indonésien promet à ses voisins que c'est la dernière fois, et chaque année, ça recommence. Au point que parfois, dans le sud de Sumatra, on ne voit rien à 50 mètres!
Une des raisons pour lesquelles ces feux persistent, c'est que ça permet de faire de la place pour les palmiers. Une culture pas du tout traditionnelle ici, mais qui s'impose et gagne peu à peu du terrain. Il faut dire que les fruits de l'huile de palme se vendent 1 fois plus chers que le traditionnel caoutchouc. Au point que même le gouvernement indonésien y succombe: il loue ou vend des terrains aux entreprises malaisiennes, qui viennent y planter leurs palmiers. C'est qu'en plus la culture exige beaucoup d'eau et perturbe l'écosystème alors... Pourquoi le faire chez soi?

jeudi 1 octobre 2015

Survivre à la jungle et aux orangs-outans !


Mina la caractérielle
Voilà, j’ai survécu à ce qui aura été, de loin, l’étape la plus roots de mon voyage. La dernière étape aussi puisque, toutes les bonnes choses ayant une fin (de même que mes économies), il va désormais falloir penser à rentrer.
Bref, donc lundi soir, je suis arrivée à Bukit Lawang. Encore une fois, le trajet ne fut pas une mince affaire : 2 vols avec Lion Air, une compagnie sur la liste noire européenne (mais bon, comme la plupart des compagnies indonésiennes, donc parfois on n’a juste pas le choix) : 2 heures de retard au compteur et encore 5 heures de voiture pour faire 70 km pour arriver tout au bout de la route. Après, il n’y a plus rien, juste la jungle.  Le trajet se termine d’ailleurs à moto pour arriver jusqu’à mon hôtel, pratiquement le dernier du village. Aujourd’hui, même si le confort est rudimentaire, les hôtels et les guest-houses ne manquent pas. Un véritable renouveau pour ce village, victime d’une inondation-flash en 2003, qui a fait presque 300 morts. Il faut dire que la rivière au bord de laquelle est construit Bukit Lawang est plutôt du genre nerveux. Bref, ici, tout le monde a perdu des proches dans la catastrophe et le sujet revient souvent.
Tout ça pour dire que débarquer à Bukit Lawang, c’est déjà pénétrer dans un monde à part, bienveillant mais pas forcément rassurant au premier abord pour le touriste. Mais ce n’est RIEN comparé à la journée qui l’attend le lendemain s’il a décidé de s’aventurer dans la jungle. Ce qui fut mon cas bien sûr. Moi aussi je voulais voir les orangs-outans ! J’ai donc opté pour un trek de 2 jours, le plus populaire ici car il permet de vraiment s’imprégner de la jungle, sans pour autant passer trop de nuit sous la « tente ». Nous sommes donc 4, deux guides, un touriste australien du genre Indiana Jones des temps modernes, et moi, à nous lancer sur le petit sentier escarpé. L’effort est soutenu, mais il est vite récompensé puisque nous apercevons notre première maman orang-outan, avec son bébé de trois ans. Ici, les orangs-outans sont « semi-wild » : ils ont été soignés dans un centre tout proche puis remis en liberté. Pour faciliter leur ré-acclimatation, le centre  met de la nourriture de base à la disposition des mamans, quand elles ont des petits. Pas facile de décrire ce spectacle vraiment hors du commun. Perchée dans son arbre, la maman nous observe placidement, pendant que le petit joue en passant d’une branche à l’autre. Contrairement à d’autres singes, les orangs-outans ne descendent presque jamais sur la terre ferme, pour éviter leurs prédateurs, les tigres et les pumas notamment (ah tiens, donc ce soir on dort à la belle étoile, dans un endroit où il y a des tigres ? Nice…). Si Madame Orang-Outan n’a pas spécialement l’air surprise, encore moins émerveillée de nous voir, pour les touristes le spectacle est saisissant. C’est qu’ils ont vraiment l’air tout droit venus de la préhistoire, ces bonhommes poilus au visage expressif. Un peu plus loin, nous croisons Mina, une autre maman, célèbre pour son mauvais caractère. Et ça ne manque pas : à peine voit-elle notre petit groupe débarquer qu’elle descend prestement de son arbre et  s’accroche au sac à dos de notre guide, l’empêchant de passer. Mina veut à manger et sait très bien que nous transportant tout un tas de nourriture. Elle aura donc droit à quelques bananes. « Entrance fee ! » nous explique notre guide. En réalité, normalement, on n’est pas censé les nourrir, ni les toucher : ils sont sensibles aux maladies humaines et on risque de contaminer toute la communauté. Au total, nous verrons une dizaine d’orangs-outans, et plein de macaques, Thomas leaf monkeys et autres petites bêtes du coin. De quoi oublier les kilomètres d’escalade déjà engloutis.
Mais ce que j’ignore à ce moment-là, c’est que le plus dur reste à venir : en début d’après-midi, la pluie tropicale commence doucement, puis s’intensifie, pour se terminer en véritable déluge. Imaginez un trek dans la jungle, en terrain abrupt, sur de la terre glaise. Voilà voilà. « Attention, l’hôpital le plus proche est très loin, à Medan », prévient un des guides. Très rassurant, en effet.
Finalement, nous arrivons sains et saufs au campement. Je ne peux pas en dire autant de mes chaussures détrempées, encore moins de mes fringues, dont je me demande comment je vais les faire sécher dans une ambiance aussi « humide ». Car dans ma grande naïveté, et dans le but de voyager léger, je n’ai emporté absolument aucun change ! Me voilà donc en maillot de bain et paréo, à attendre gentiment que mes affaires sèchent au coin du feu.
Le fameux "campement"
Quelques mots sur ce fameux « campement » où nous nous apprêtons à passer la nuit, au bord de la rivière. Je parlerais plutôt d’un abri, composé de bâche et de tôles. Sur le sol, on a posé un plastique, sur lequel le guide étale une natte : c’est là que je vais dormir cette nuit, face à la rivière et dans cet abri de fortune ouvert aux quatre vents… Pour se donner du courage et « pour être sûr de dormir », mon guide et Luck, l’Australien, entament le concours de celui qui fumera le plus d’herbe. « You become one with the Jungle » m’explique Luck. Bon, ma curiosité n’ira pas jusque-là, j’aimerais autant avoir toute ma tête si jamais un tigre ou des moustiques (plus vraisemblable tout de même) débarquent en pleine nuit !
Un excellent dîner : vegetable curry et poulet !
Le dîner, préparé sur un feu au bord de la rivière par les petits cuisiniers du campement (des ados !) est incroyablement savoureux ! Un vrai régal avant d’aller s’allonger sur cette natte posée à même le sol. Gloups. Bon, je ne sais pas si ce sont les 6 heures de marche dans la glaise, les vapeurs de  la fumée de ma « team » ou le bruit de la pluie battante sur le toit de tôle mais en tout cas, j’ai beaucoup mieux dormi que ce que je craignais ! Au point d’enchaîner cette 2e journée avec une facilité déconcertante : escalade pour arriver à une cascade, parfaite pour une baignade rafraîchissante puis retour au village en « tubing », une sorte de rafting local : quatre énormes chambres à air attachées ensemble : un guide sur la première et la dernière chambre à air, avec les bagages, les touristes sur celles du milieu et c’est parti pour la descente des rapides ! Bon, il faut s’accrocher, s’assurer que les bagages sont bien emballés dans du plastique mais sinon, quelle sensation ! Et quelle rapidité aussi : en moins d’une demi-heure, nous sommes de retour au village !

En pratique
>> Pour se rendre à Bukit Lawang, le plus simple est d’arriver à l’aéroport de Medan et d’organiser un taxi avec une agence du village. C’est assez cher, mais il vient vous attendre à l’aéroport et vous emmène directement à votre hôtel. Compter environ 4 heures de route. C’est faisable en transport public aussi, mais super long et compliqué : d’abord se rendre à la gare d’autobus de Medan puis prendre le bus local et ensuite louer un becak pour se rendre au centre du village.
>> Les hôtels ne manquent pas ici. Je suis au Garden Inn, qui possède plusieurs types de chambres pas trop chères et au confort inégal. C’est propre, le resto est bon, le patron parle hyper bien français.  Pas de wifi par contre. Le top du top apparemment c’est l’Eco Lodge, de l’autre côté de la rivière.
>> Pour aller dans la jungle, il est obligatoire d’avoir un guide (de toute façon, ce serait totalement impossible sans guide) : il y a plusieurs agences ici. Si vous voyagez seul, il faut mieux prévoir à l’avance, parce qu’il faut être au moins deux pour partir. Je suis partie avec Sumatra Jungle Tour. Des guides sympas, même si le mien avait franchement tendance à beaucoup trop fumer. Leur campement est plus rudimentaire que certains. Les prix sont à peu près les mêmes partout : environ 70 euros pour deux jours de trek, tout compris.
>> Pour le trek, bien prévoir des vêtements de rechange, une lampe torche, de l’anti-moustique mais aussi de quoi vous occuper le soir (il fait nuit à 18h). Beaucoup plus difficile que ce que les guides laissent entendre, donc à réserver aux personnes en forme, qui n’ont pas peur de grimper ou d’escalader un peu.